Cri du coeur
Le cri du coeur d’une enseignante de Sept-Iles! Nous aimons vous lire et partager vos opinions sur nos différentes plateformes. Faites circuler, pour que les voix de nos régions s’élèvent et fasse écho sur les grands enjeux environnementaux qui nous concernent tous.
Sept-Îles, le 31 mars 2014
Bonjour monsieur Lemire,
C’est avec beaucoup de joie et de bonheur que nous avons pu parler à Émilie, votre responsable des communications sur le navire. Même si la webcaméra de notre école était défectueuse, nous avons adoré l’expérience et l’événement a suscité bon nombre de questions très pertinentes. Ce projet nous permet de vivre une expérience géniale et je tenais à vous en remercier, au nom de mes 17 petits cocos de 3ème année.
Aussi, j’aimerais vous parler d’un sujet qui me préoccupe grandement et qui vous touchera assurément: la pollution de la majestueuse baie de Sept-Îles.
L’automne dernier, un déversement de mazout lourd a eu lieu aux installations de Cliffs et sur les 450 000 litres déversés, environ 5000 litres se sont retrouvés directement dans la baie. Des oiseaux ont été trouvés morts, plusieurs kilomètres de côtes ont été souillés et des méduses échouées ont été vues sur les berges des îles, un peu plus au large du lieu de déversement. Des équipes de nettoyage ont été demandées mais les informations ont circulé au compte-goutte et nous avons l’impression que tout n’a pas été dit. De plus, il semblerait qu’un second déversement ait eu lieu, mais aucune information ne vient affirmer ou nier cela. D’ailleurs, les dernières nouvelles à ce sujet n’augurent rien de bon. (Lire le texte Déversement de mazout à Sept-îles: des preuves d’infraction de La Presse
)
Aussi, ces derniers jours, un journaliste de LaPresse Affaires a publié un article sur la compagnie minière IOC qui aurait laissé couler des hydrocarbures directement dans la baie et dans le Golfe du St-Laurent et ce, durant près de 60 ans.
Mais ce qui me préoccupe le plus, c’est le projet de mine d’apatite à ciel ouvert qui menace la magnifique baie des Sept-Îles. Ce projet se nomme Mine Arnaud et cause bien des dégâts sociaux ! La population de notre belle ville est très divisée, cela crée des tensions au sein des milieux de travail, dans les cercles d’amis et même dans certaines familles.
Le projet Mine Arnaud, c’est l’amputation de 52 kilomètres carrés de territoire sauvage (ZEC, terrains de trappage, lacs, ruisseaux, terrains des résidents, etc). C’est une fosse de 3,8km de longueur par 800m de largeur et de 240m de profondeur et ce, à environ 3,5 kilomètres de la ville de Sept-Îles. Il y a des gens qui vivent à 800 mètres de cette immense fosse projetée.
Mine Arnaud, c’est le rejet (au terme du projet de 28 ans) de 2000 à 4000 tonnes de contaminants directement dans la baie de Sept-Îles et ce, via le ruisseau Clet.
Nous savons que la baie est déjà contaminée. D’ailleurs, le Bureau des audiences publiques en environnement (le BAPE) a statué que la majestueuse baie, symbole identitaire des septiliens, est déjà bien mal en point (Rapport du BAPE p.62).
D’ailleurs, la compagnie minière avoue elle-même qu’elle ne pourra pas respecter les Objectifs environnementaux de rejet (OER) en ce qui concerne le phosphore qui sera rejeté dans la baie, puisqu’elle dépassera de 3 fois la limite permise (ou « suggérée », puisque Mine Arnaud insiste sur le fait que ce ne sont que des objectifs qu’ils doivent « s’efforcer » d’atteindre). Aussi, même si l’effluent minier sera rejeté dans la baie, cette dernière n’a pas été caractérisée par Mine Arnaud, ce qui fait que l’effet cumulatif de tous les contaminants n’a pas pu être considéré.
La baie de Sept-Îles est dotée d’une grande biodiversité. D’ailleurs, la portion de la baie qui risque de subir le plus de dommages causés par les polluants est une zosteraie qui est, comme vous le savez, un écosystème extrêmement fragile.
C’est Investissement Québec qui est actionnaire majoritaire (62% des parts) du projet. Ce qui veut dire que c’est tout le Québec qui aura à payer pour un projet qui a été jugé possiblement non rentable par le BAPE. L’autre actionnaire est YARA International, une compagnie Norvégienne dont nous ne savons pas grand chose, sinon qu’elle aurait des démêlés avec la justice dans une affaire de corruption.
Le BAPE conclu que le projet Mine Arnaud est jugé non acceptable dans sa forme actuelle.
(cliquer pour lire le rapport)
Je m’intéresse particulièrement à ce qui touche la baie de Sept-Îles (les sédiments, entre autre), mais d’autres aspects du projet sont problématiques, par exemple le dépassement des normes liées au manganèse atmosphérique et ce, malgré des mesures d’atténuation mises en place par le promoteur ainsi que les dynamitages et des vibrations qui pourraient entraîner des mouvements de masse à cause des sols argileux.
Nous sommes plusieurs citoyens à travailler d’arrache-pied afin que la vérité soit connue et surtout entendue. Vendredi dernier, soit le 28 mars, nous sommes une trentaine de personnes à être allées manifester devant les bureaux du Ministère du développement durable, de l’environnement, de la faune et des parcs (MDDEFP) à Sept-Îles car les négociations se passent derrière les portes closes et nous voulons être tenus au courant de ce qui se passe « dans notre cour ».
C’est très gentil de votre part de prendre le temps de me lire. Je vous souhaite une belle fin d’aventure et nous continuerons, mes élèves et moi, de suivre votre périple autour du monde. Si jamais vous aviez envie de venir voir la majestueuse baie de Sept-Îles à votre retour en sol québécois, nous vous accueillerons à bras ouverts. Merci pour tout ce que vous faites pour la biodiversité, merci de nous permettre de voyager un peu avec vous.
Amicalement,
Geneviève Otis